Peinture, musique, littérature...
Etre artiste, c’est vivre au-delà de ses désirs.
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S'astreindre à des chefs-d'oeuvre est le meilleur moyen d'éviter la médiocrité.
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L’art nourrit une vieille bête efflanquée qui intime au poète de ne pas trop s’éloigner : nous l’appellerons maman.
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Pierre Boulez était tellement génial, qu’à l’époque de Lascaux il achevait polytechnique. Les esprits chagrins ont prétendu que c’était une perte de temps, voire une coquetterie. Et pourquoi pas de la distraction, tant que nous y sommes ?
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Molière est mort dans un fauteuil voltaire.
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Pourquoi est-il difficile d’écrire ?… Parce qu’en plongeant à 100, on remonte une vérité qui équivaut à 10. Et en général, on plonge à 10.
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L’art, ce n’est pas la liberté, mais l’évasion.
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L’évasion, c’est le rêve. La liberté, c’est le début des contraintes.
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Le jour où il se sentit expert de son angoisse, le rossignol devint compositeur.
L’artiste contemple le pont-levis de la Beauté avec les douves de son esprit.
Écrire, c’est recevoir le plus beau courrier du monde. Brouiller les cartes jusqu’à obtenir la mine radieuse du jeu complet, rouler le soleil de théâtre en théâtre et s’en aller sur le chemin du poème, bourse vide, tête en feu, échanger la mer contre un souper de pluie.
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Ecrire, c'est partager le bonheur d'être seul.
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Les artistes audacieux, inquiets de leur nature, rappellent ces femmes qui mettent une mini-jupe et passent la journée à tirer dessus.
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L’artiste compatit à la détresse de l’humanité avec un égoïsme salutaire.
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La Renaissance italienne, telle une lessive de bonne qualité, a redonné de l’éclat aux couleurs.
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Le navigateur possède la carte des océans mais ne voit pas l’eau sous son propre bateau !… répondit madame Molière en éclatant de rire. – Monsieur Molière, pas content, retourna à son travail.
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Le style de l’artiste, ce sont ses fantômes enterrés vivants.
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L'artiste pense au-dessus de ses moyens, emprunte la différence sur le compte de la Beauté et rembourse avec le bénéfice du travail accompli.
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Souvent, en écoutant l’orgue de Bach on voudrait attraper les notes, nouer une étiquette à leurs petites pattes gonflées d’air et de nuages ; mais ce bonheur est si fugace que l’on a tout juste ficelé le bristol à la calligraphie irréprochable ( trois traits bleutés, une bordure d’encre, un demi-centimètre entre chaque ligne, l’œillet renforcé dans lequel passe un mince fil de fer soulevant les vibrations de l’imposant clavier ) qu’aussitôt la musique s’envole vers les nuées, par la grâce d’un compositeur tenant chaleureusement la main de Dieu pour le guider vers le monde des hommes.
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Nous vivons comme des chiens. La musique nous rapproche de la meute.
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Puisque c'est comme ça, je vais l'écrire moi-même !
Ainsi naquit dans la brume parisienne, au milieu des fromages de saison, des feuilles de chou et des grisettes épuisées, la cathédrale proustienne.
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Ce grand seigneur de Jean d’Ormesson, dont la vie avait des airs de fête galante, parvint à masquer sous l’abondance du Verbe l’avarice de son talent.
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Avec Ionesco on se déshabille; chez Beckett on se déboutonne.
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Selon les spécialistes, l’art est la dernière activité humaine à la portée de l’intelligence artificielle. La nuit étoilée de Van Gogh résiste à l’équation; la machine ne peut que reproduire, inapte à saisir l’art, qu’elle regarde s’échapper à travers un réseau de sensations et d’intelligence alimenté de son propre mouvement : la création.
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Lorsque elle représente sous forme de meubles et d'étagères les lignes de fuite du XXème siècle, l'oeuvre de Mondrian annonce la bureaucratie totalitaire.
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Gustav Klimt (qui n’aimait ni l’or ni les astres de pacotille) a su représenter, mieux que n’importe quel jardin abandonné, le miel pourfendeur des divinités égoïstes.
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Francis Bacon. Son visage ressemble à un grain de raisin atteint de pourriture noble.
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Las de répéter aux amateurs d’absolu que son œuvre psychédélique synthétisait la condition humaine, il finit par trouver plus délicat de lécher la viscosité naturelle qui lui avait permis d’accoucher seul sur un canapé.
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A la façon d’une belle soirée d’été, il faut écrire avec plaisir et se relire jusqu’au sang.
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L’écrivain privilégie la reconstruction de ce qui n’a pas existé.
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L’artiste est un plasticien de l’invisible qui ajuste sur la paroi du temps ce qu’il y a de compatible entre l’éternité de l’âme et la chair de son désir.
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L’humour s’ébroue au sein d’une œuvre exigeante, comme le canard dans un marais fétide et nourrissant.
Il est bon que l’artiste ait un temps d’avance sur sa folie.
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La fantaisie sur scène est d'autant plus appréciée qu’elle surprend. Eclatant au vaudeville dans une ronde de bonne humeur, un trait comique peut passer inaperçu ; déposé sur la nappe blanche d'un drame scandinave, il a l'effet d'une bombe.
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Oui, l’image folle, oui le bourbier aux caresses d’épaules, oui la contrebande des casiers de nuages, oui le cerveau blafard, oui la parole assassinée, oui l’addition jumelle pour couple angoissé, oui ma faute, oui ma torpeur, oui mon dégoût, oui mon double, oui le soleil couchant, mais non la candidature de monsieur Victor Hugo à la chambre des étoiles. (Applaudissements à droite).
Faire pisser de rire le public. Shakespeare avait la politesse de mettre un seau à l'entrée.
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Le soleil a été pris pour un vol de bougies chez Georges de la Tour.
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L’art est essentiellement consanguin.
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A quoi songe un artiste contemplant la Beauté du monde, sinon au néant si proche ?… Mettons-nous à la place de celui qui a lu tous les livres, écouté autant et vu plus encore, pensé à des choses merveilleuses qui engagent la vie, l’amour, la mort, l’éternité des hommes, le pourquoi, le comment de l’univers. N’est-il pas, malgré tout, contraint de raisonner par associations d’idées, de sensations ou de sentiments, ce qui donne, au terme de sa vie, c’est à dire, si l’on veut, en quelque sorte, de sa chaîne de fabrication intellectuelle, une petite saucisse mentale ?
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Dans ce combat inégal entre jeunesse et déchéance, le sculpteur prend sa part depuis l’Antiquité. « Même si c’est toujours la même » s'amuse Rodin, retroussant la glaise d’une jolie paire de fesses.
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" Prends ce bloc d’argent, adroit ciseleur / N’en fais point surtout d’arme belliqueuse / Mais bien une coupe élargie et creuse / Où le vin ruisselle et semble meilleur." Chez les Parnassiens, trop de mots choisis engendrent une accumulation confuse. Leur poésie est creuse comme ces desserts qui s’effondrent au premier coup de cuillère.
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84ème symphonie de Haydn. Après une introduction majestueuse, l’orchestre gambade à travers la partition. C’est superbement évanescent, joyeusement tendu, foutrement aérien, délicieusement raide. Au sommet du mouvement lent, la satisfaction se concrétise. Instant poignant. – Le menuet qui suit est agaçant, comme souvent. Expédié dans les airs, il a l’air de désirer une autre vie. On décide de l’émietter pour le donner aux oiseaux.
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86ème symphonie. Allegro tellement élégant !… Pffoouu… Mouvement lent génial. De loin en loin surgissent les dernières paroles du Christ ; moment d’inspiration - d’aspiration ? intemporel. Elan communicatif entre l’âme et l’univers. La nature se gorge d'idéal, l'esprit dégringole comme un vieux matou la planche du bonheur. Cible joyeuse de la nature; refrain d’une joie d’artiste entre son âme et le vin de Champagne; la foudre attache le ciel au poète; des carrosses illuminent les berges tamisées de Londres. Musicien adepte du langage universel humant la vie terrestre sous les jupes de la mélancolique beauté. Mais que faire d'elle, une fois culbutée? Un concerto pour mandoline ? Et puis quoi, grommèle l’orchestre, attendre deux cents ans la naissance du week-end ?... -Ah non merci, patron.
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Grâce à Véronèse, la Cène devint théâtre.
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Il est né au sommet de la montagne. On lui dit que, pour faire partie de la communauté des hommes, il lui faudra l’escalader.
-C’est impossible, répond-il au messager. J’y suis déjà… Et d’abord, comment es-tu monté jusqu’à moi ?
-J’ai beaucoup lu Kafka, répond le messager.
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Si le peintre du dimanche est peu bavard, c’est qu’il a demandé au paysage de lui faire la conversation.
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Le peintre du dimanche admire le travail d'un maître avec rigueur et professionnalisme. Il tourne et retourne auprès de l'oeuvre, calcule les lignes de fuite, observe les ombres portées, étudie les aplats de couleurs, soupèse du regard, explique beaucoup, comprend à peine. On dirait un inspecteur des finances ébloui par la comptabilité du père Ubu.
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On apprécie au XIXème siècle le romantisme de la nature, la noblesse des machines, l'élégance d'un cadavre. Au XXème, on applaudit des yeux à angle droit, des montres molles, des boîtes de soupe. Inversez les oeuvres, le public succombera d'ennui ou d'effroi.
L'art est une illusion au service de la Beauté.
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L'artiste empile les jours en prenant soin de creuser un petit trou dans chaque brique.
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D'un côté ce pas décidé, un profil d'échassier capable d'aller loin; de l'autre une maigreur extrême qui remet en cause le voyage. Voilà ce qui fascine dans l'Homme qui Marche. Plus on en perçoit le réalisme, moins il correspond à la réalité.
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Certes, on avance au temps de Giacometti, mais le coeur serré, l'humanisme en miettes. L'artiste nous rappelle qu'aucun être humain ne possède la force de passer sa vie à mettre un pied devant l'autre, à moins d'enfouir la liberté sous terre.
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Si les comiques ont des tendances suicidaires, c'est que leur travail consiste à explorer en détail la psychologie humaine. Ils doivent tenter de nous comprendre. Première cause de dépression ! Le reste du temps, leur esprit libertaire plonge ses racines dans les profondeurs du coeur humain afin d'en extraire ces pépites qui provoquent les embolies de mauvaise foi dont nous sommes coutumiers. Certains, fatigués d'un tel recyclage, envoient leur esprit se faire broyer avec le reste.
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J'ai déjeuné avec le loup qui portait la laine de mes poèmes froissés. Quelle odeur.
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Au XVIIIème siècle, le point-virgule unit avec douceur la phrase et sa voisine. L'idée s'installe en souplesse dans la page grâce à ces petites chevilles. Chaque proposition prépare la suivante qui étaye la précédente avec un sens de l'égalité qui prédispose au futur.
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Grâce à l'art, le malheur devient exemplaire. Il n'y a pas de bonheur exemplaire. Il n'y a donc pas d'oeuvre d'art heureuse.
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Si l’on pouvait faire de deux oeuvres moyennes une excellente, on rétablirait Adam et Eve dans le jardin d’Eden.
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Lorsque Jean-Jacques confesse ses difficultés d'écrivain, on admire l'égalité d'humeur avec laquelle il raconte les variables de son caractère. Le sujet est devenu objet. Apercevant combien nous sommes peu de choses à l'égard de notre propre nature, il parcourt la distance qui mène au centre de lui-même et en revient. Né au siècle des grands voyages, Rousseau choisit l'inconscient comme paysage exotique.
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Ne rien avoir sur sa table de travail est pénible pour l'écrivain : il remue des papiers, ouvre ses tiroirs, cherche un brouillon, une idée, une esquisse, un mot. Il souffre tel un nouveau-né soulevant sans comprendre le téton à sec de ses syllabes.
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Certains morceaux de Philip Glass passent si vite que je préfère les écouter confortablement assis dans la roue d'un moulin à eau.
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