De la vie en société
La violence est un prélude illégal et naturel au rapport forcé. Elle dit simplement : J’ai envie ton corps. Un jour, l’agresseur ajoute une préposition. C’est déjà ça.
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Haïti, 30.000 morts. La caméra continue de filmer, cherche un chiffre impair sous les décombres.
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J’aime m’excuser pendant que l’ostréiculteur recompte les huîtres pour la troisième fois ; j’apprécie la façon dont il s’incline dans la brume du matin, ponctuant mes bavardages d’un « C’est pas grave » que j’accepte en souriant. Puis j’ajoute un sourire de courtoisie, auquel le commerçant s’enchaîne en remuant la tête, tel un cheval contrarié et obéissant.
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Nous nous sommes croisés dans le vestibule des bonnes nouvelles insignifiantes où nous avons passé une excellente demi-heure à échanger des bonnes nouvelles insignifiantes. Merci aux architectes qui embellissent nos vies insignifiantes.
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Le sucre roux, fatigué des moqueries, insatisfait de son identité, a profité de la tolérance des pays du nord pour changer de sexe. C'est une dame désormais. Elle s'appelle cassonade.
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Ce qui nous foudroie appelle le partage, la complicité, la communion, l’envie d’en parler, de se confier au voisin, au commerçant, à l’épouse, au collègue, voire d’en faire un livre, une maquette, un opéra, un quartier d’affaires. – Refusez, si cela vous arrive.
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Il n'y a que les médiocres qui s'acharnent. Les mauvais renoncent.
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L’existence empêche de vivre. Reste le chômage de nos rêves.
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Pierre Dormé. Puis il est mort.
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Non au capitalisme d'élevage.
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Du passé faisons table rase à monter soi-même.
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Le jeune ambitieux échange son cannabis contre une côte de porc.
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Aimer la société, c’est plonger dans le grand bain du collectif. A contrario, l’état de nature nous guide au sommet d’une montagne d’indifférence. Dans les deux cas, on s’endort sur le minuscule toit du monde.
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Mercedes, Audi et Tutti Quanti te le promettent entre quatre yeux : Un jour, petit con, tu pourras t’offrir un week-end portes ouvertes.
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Les migrants trop polis se noient dans un verre d’eau.
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La vie est imprévisible : aimons-la ! C’est écrit sur le bandeau rouge d’un best-seller de 1983 placé sous la boîte à thé qui sert à caler l’armoire à pharmacie au premier étage de la maison abandonnée.
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Convoque les autorités clandestines de tes humeurs passagères. Passe-leur un savon bleuté : elles y gagneront en propreté, et toi en poésie.
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Nous sommes des boxeurs vigilants qui passons notre temps à prendre des coups.
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On reconnaît un homme politique travailleur à sa mise en plis du week-end.
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Pourquoi préférer un écologiste perdu au fin fond d’un champ boueux, s’entretenant avec un paysan de Lozère, à ce brillant polytechnicien qui évite les platitudes de l’esprit et souhaite mener le bien collectif sur le modèle de la réussite individuelle en conformant ses vues aux besoins de la société, ce qui permet des synergies propices à la politique d’aménagement du territoire?
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Parfois, déambulant parmi les étagères poussiéreuses d’un magasin à peine éclairé, observant ces étiquettes jaunes finissant par 85, 90, 95, je voudrais pouvoir faire un signe à la bonté enfuie, demander à la pluie qui tombe d'offrir à cette vieille femme le chiffre rond de l’amour ou dessiner un cœur tendre sur son paquet de Palmito entamé, qu’elle repousse de la main en travaillant dans le plus petit hypermarché du monde : la maman d’un épicier parisien.
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Lorsqu’il s’agit de dénoncer un fait de société, le romancier signe la pétition, publie une lettre ouverte, fait jouer ses relations. L'acteur hollywoodien offre 200.000 dollars, échange sa casquette contre un béret et va se planter devant les micros. Le poète, lui, en guise de protestation s’enchaîne aux nuages. Quel con !
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Ce n’est pas la souffrance des hommes en quête de repères qui nous touche, mais notre souffrance, engendrée par leur souffrance. Elle n’est plus seulement leur souffrance. Elle devient notre souffrance. Tout en restant leur souffrance. Bref, on est davantage à souffrir.
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Bon dieu comme tu nous a promenés, Beauté, bon dieu comme nous t’avons baladée, jeunesse !… Le Havre, Paris ou Brest, je ne sais plus, j’ai oublié ces longues rues foudroyées de rêves fatigants. Nous préférions nous poser sur un banc, avec la vie en face qui s’impatiente, lorsque tu opposais tes yeux de vieille bique ébouriffée par l’imposture du monde à la nécessité de l’instant. – Restait à foirer nos études, que tu deviennes artiste et que je meurs d’idéal.
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Etre utile et détaché, comme un sparadrap resté propre au milieu.
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Elle devinait ses petits cris quand on changeait les étiquettes.
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Un paresseux d’envergure. Une crémation magnifique.
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Soyez raisonnables. Prenez des poisons génériques.
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Le désir est le moteur de l’existence. La terre en crève de joie.
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Méfiez-vous des gens qui disent : "J'aime la vie." Ne vous mettez pas en ménage avec eux. Vous les décevrez forcément.
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Faire bouger les lignes. Le rêve du tennisman.
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Ce qu'un sportif a de plus profond, c'est son sommeil.
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On se couche, tout étonné de ce que l'on peut faire en une journée, on se réveille émerveillé du peu qu'il en reste.
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Vendredi soir, plein été, température parfaite, jardin au bord de la mer, 22 heures. Bonne table, vins délicieux. Conversation excellente, soirée sans enfants hormis une parenthèse adorable. Parfums de végétation. On entend la ville au loin. L'âme ouvre de grands yeux devant semblable harmonie; les oreilles se réjouissent du spectacle, la bouche se délecte des conversations... Comment rendre compte d'un tel équilibre ? Ce soir, la terre s'est nichée si haut que le poète doit plancher pour la rejoindre.
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Je suis dans un service hospitalier. Entouré de gens attentionnés. Tu t'appelles Leïla. Je te regarde. Ton visage est magnifique. Tu t'approches. Je sens une lumière contre ma joue. Il fait chaud. Je m'endors dans la pirogue de tes yeux.
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De retour des toilettes je songe à ce beau film, la Piscine.
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Mon âme est semblable à une tranche d'entrecôte. Sombre du côté visible, rouge et saignante sur sa face cachée.
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Liberté, égalité, fraternité, mots tuméfiés, mots chéris !
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Un Français, c'est quelqu'un qui souhaite être l'artisan de son destin, l'architecte de ses regrets, le gardien de ses espérances et ne cotiser qu'à une seule caisse de retraite.
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Les astrophysiciens composent le noyau scientifique autour duquel tournent mes angoisses existentielles. Quitte à être angoissé, autant partir sur des bases saines. Ces hurluberlus, dont la barbe blanche est davantage signe de vieillesse que poésie de père Noël, ont le privilège d'envahir les kiosques à journaux ou de coucher à France Inter. C'est selon. Et puis au réveil, à peine décrottés, ils astiquent les astres ayant participé au temps glorieux de la Création, avant de les suspendre comme des bijoux de pacotille dans l'arrière-pays du cosmos.
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Ennuis, joies, embouteillages, maladies… Le quotidien absorbe la vie jusqu’au dégoût. Les années passent et le présent se dit : "Ah, l'espèce humaine : accumuler tant de saloperies et continuer ! Seul un dieu de l’Olympe pourrait le supporter."
Ce que le présent ignore, c’est que nous nous changeons pendant notre sommeil.
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Le capitalisme, rêve éveillé des armateurs flamands, s'est mis à ronronner de plaisir lorsque il réalisa que posséder comptait davantage que jouir, que la digue était plus belle que le ruisseau, le barrage plus digne que la rivière, le moulin plus fort que la mer.
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Lorsqu'un homme politique évoque René Char pour conclure son discours sur la nouvelle réglementation des hypermarchés en zone périurbaine, l'auditoire, encouragé par ce post-it culturel, se souvient que nous sommes samedi, jour de Figaro Magazine.
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-Tu ne jouais pas dans Les Oiseaux ?… C’est marrant, ce matin, rangeant l’étagère de mes souvenirs, j’ai aperçu ton visage entre deux pots de peinture.
-Tu confonds avec Psychose, mon chéri. On a vécu 22 ans ensemble. Ensuite tu m’as étranglée. Là, tu es en prison, devant tes conserves.
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Utilise la force de ton inconscient pour le vaincre, me dit mon psy qui est aussi professeur de judo.
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Le XXème siècle s’achevait sur les rotules. Heureusement, les Chinois vinrent à son chevet. A l’endroit précis où les Japonais avaient adoré ses manies décadentes, ils achetèrent son lit de douleur. Bondirent sur l’occasion, prirent tout, sans discuter, avec talent. La bagagerie totalitaire. Ses loyautés fugaces. Nos affres gémissantes. Des cadres aux oeuvres tombées à terre, il n’y avait qu’un pas, celui de l’avenir, qu’une marche, celle de l’Asie. Ils la franchirent !… A peine dégoûtés par la grammaire française, ils nous envahirent ! Achetèrent nos vignobles ! Mais nous les repoussâmes avec des Fiat panda.
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L’immonde mauvaise nouvelle anime les situations banales et paisibles : comment ne pas craindre les contradictions que colporte la douleur intime ? Vers quel esprit se tourner pour trouver un peu d’équilibre, une planche de salut, combattre le morcellement et la peur. Dans quel nuage chercher l’antidote ?… Ce parterre de fleurs multicolores à l’entrée du jardin, sa beauté insignifiante. Dernières nouvelles du labo. Cancer du sang. Terrible fulgurance de la souffrance ressentie ce matin d’avril, enfouie dans un réflexe de détresse humaine, déterrée un soir de peur animale, abandonnée sur le plancher au milieu des vomissures d’amour, dans l'attente du bel été en famille ou de la catastrophe finale. – Le bouquet de fleurs est à l’accueil.
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A petite dose, la drogue fait progresser les hommes de bonne volonté.
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Soirée littérature, quartier nord de Marseille. C’est la nuit du passé antérieur (cris d’horreur !). Ebaubis, décomposés, les accords complexes s’échappent d’un verbe pronominal à la barbe d’un adjectif de couleur.
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On se plaint souvent des ordinateurs, du téléphone, de la télévision ou de la connexion, lorsque l'on remarque - souvent en criant - que "ça rame, ça bloque, ça patine, ça patauge…" Alors de temps en temps, pour rire sans doute, ou nous donner une leçon, l’ordinateur, le téléphone, la télévision annoncent le décès d’un proche ou une catastrophe incroyable. Puis ils nous regardent.
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