Les légumes de Théo.

Mes parents, ils aiment bien les légumes. Depuis que je suis tout petit, ils me répètent que c'est bon pour la santé. D'ailleurs, ils s'attendrissent quand ils me regardent en manger. Le soir, je les sens derrière mon dos, en train d'observer mon assiette. Il y en a toujours un pour appeler l'autre à ce moment là: -Papa, viens voir ton fils en train de finir ses carottes… -Chérie, regarde comment Théo se régale avec les petits pois… Incroyable. Ma mère, elle dit aux invités en terminant son café gourmand: -Théo, il n'aime pas le Mac Do'. Non, ce qu'il préfère c'est la macédoine de légumes. Alors là, mon père il ajoute: -Je crois même pouvoir dire qu'entre des frites et des épinards, il choisira des épinards… Et tout le monde trouve ça exemplaire. J'aurais 19 de moyenne en maths que je n'aurais pas plus de succès ! Vladimir, mon copain (dont le père est prof de maths justement), il a conclu: -Chez toi, on préfère les endives à la géométrie... J'ai observé Vladimir, qui est grand et un peu enveloppé: -Pas toi ?… je lui ai demandé. -Bof, moi au dessert c'est algèbre et Nutella. Et toi?… -Moi, mes parents me donnent trois clémentines avec une bande dessinée. Mais je pique un peu de chocolat !

Vladimir, il a remarqué aussi un truc: les soirs où on nous sert des légumes, nos parents n'essayent pas de nous en voler… Tandis que si on mange des frites ou du saucisson, comme c'est bizarre, il y en a toujours un qui veut prendre dans notre assiette... En fait, les parents nous disent que les légumes c'est délicieux, mais eux ils n'en prennent pas toujours. Ca me fait penser à Curnonsky, notre prof d'histoire. Il nous a parlé de l'époque où on répétait aux citoyens allemands, jour après jour, comment ils devaient se comporter; même dans les petits détails, ils ne devaient pas discuter. On appelait ça la propagande… J'ai hésité à lui donner l'exemple des légumes à la maison. C'était 20/20 ou la punition. J'ai pas pris le risque… De toute façon, c'était l'heure de la cantine. Au réfectoire, comme la viande est moyenne et le poisson trop cuit, je laisse passer les affamés et je prends ce qui reste, c'est à dire les légumes: chou-fleur, brocoli, endives, haricots, carottes, céleri… Le personnel du self, il n'en revient pas ! Ils me font de grands sourires. Le jour des épinards, mon assiette ressemble à une méga bouse de vache, on rigole bien. Et puis ça me permet de gagner des paris avec les copains ou d'échanger mes frites contre 50 centimes pour acheter des bonbons.

Après la cantine, on a anglais. Pour les légumes, on dit "vegetables". J'aime bien ce mot là. Il est facile à retenir. Et drôle. A chaque fois qu'on parle des "vegetables" en cours, on peut se moquer de la cuisine anglaise. C'est toujours un bon moment. On parle de leurs petits pois gros comme des yeux de crapaud, du gigot la pie qui chante (à la menthe), de la Tom et jelly au dessert... Mon père en a profité pour me raconter l'histoire de la panse de brebis farcie, avec l'accent anglais: "-J'ai d'abord cru que c'était de la m… et ensuite j'ai regretté que ce n'en fut pas." Il est marrant mon père. Ca fait juste dix fois qu'il me la raconte… Ah oui, j'oubliais le pire des légumes, c'est quand on va les acheter. Tous les dimanches, mes parents me traînent au marché. Destination: "La planète des légumes". Des montagnes de légumes. Des rivières de légumes. Alors je les accompagne. Sinon je suis privé d'ordinateur…

                        Carottes fondantes au cumin

Pour 4 pers.

800 gr de carottes

2 cuil. à soupe d'huile d'olive

3 oranges

1 bouquet garni (queues de persil, branche de céleri, branche de thym, coriandre)

1 gousse d'ail hachée

5 gr de beurre

1 cuil. à café de sucre

10 gr de cumin

1. Pelez les carottes, coupez-les en fines rondelles.
2. Mettez-les dans un récipient. Salez et ajoutez l'ail, le sucre, le cumin, l'huile d'olive. Mélangez.
3. Versez dans une large sauteuse et mouillez à mi-hauteur d'eau. Ajoutez le bouquet garni. Posez sur les carottes un papier d'aluminium beurré, percé de quelques trous pour permettre à la vapeur de s'échapper.
4. Portez à ébullition; poursuivez à feu moyen pendant une demi-heure.
5. Retirez le papier et le bouquet garni. Ajoutez le jus d'orange et terminez la cuisson à chaleur douce jusqu'à évaporation complète du jus de cuisson. Remuez doucement afin que l'huile d'olive et le sucre enrobent bien les carottes à peine colorées et que le glaçage soit brillant, uniforme.

Parti-pris:

Pour accompagner ces carottes, que l'on escortera d'une viande blanche rôtie, Antoine Covès, des caves Pierre-Noble à Elbeuf, recommande un pinot Noir 2005 de chez Jeau-Paul Schmitt: "Sa magnifique robe rubis profond annonce un nez très expressif. Celui-ci évolue à l'aération vers la cerise compotée. La bouche complexe ajoute une palette épicée qui conviendra parfaitement à ce plat. Un régal !"  15,90 Euros.

Caves Pierre Noble 25 rue du Neubourg 76500 ELBEUF tel : 02-35-81-04-76